Pourquoi dit-on « six pieds sous terre » ?

Monde & Histoire

Il existe des expressions que l’on entend depuis toujours sans jamais en questionner le sens. « Six pieds sous terre » en fait partie. Cette locution, souvent utilisée pour évoquer la mort ou l’enterrement, intrigue par sa précision presque mathématique. Pourquoi précisément six pieds ? S’agit-il d’une mesure réelle ou d’une simple image forte ? Vous allez voir que derrière cette expression familière se cache une histoire bien ancrée dans le passé.

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Une mesure britannique avant tout

Pour comprendre cette expression, il faut remonter à l’Angleterre du XVIIe siècle. À cette époque, la peste faisait des ravages, et la gestion des cadavres était devenue un enjeu de santé publique. En 1665, le maire de Londres, afin de limiter la propagation de la maladie, aurait ordonné que tous les corps soient enterrés à une profondeur minimale de six pieds, soit environ 1,80 mètre. Cette mesure visait à éviter que les épidémies ne se propagent à travers les sols contaminés ou via les animaux charognards.

Le pied : une ancienne unité encore courante

Le terme « pied » était à l’époque l’unité de mesure la plus répandue dans le monde anglo-saxon. Un pied équivaut à environ 30,48 cm. Ainsi, six pieds correspondent à 1,83 m, une profondeur qui permet de protéger efficacement les vivants des maladies des morts. Cette mesure fut tellement utilisée qu’elle a fini par entrer dans le langage courant, même après que la raison sanitaire eut disparu. L’expression s’est ainsi figée et s’est répandue dans d’autres langues par la suite, dont le français.

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Une expression popularisée par la culture

L’expression « six pieds sous terre » n’a pas mis longtemps à sortir du domaine technique pour entrer dans la culture populaire. Utilisée dans les récits, les films, les chansons ou les conversations courantes, elle est devenue un synonyme poétique ou brutal de la mort. Elle évoque l’inhumation mais aussi l’idée d’un éloignement définitif. L’image du corps profondément enseveli est forte, marquant à la fois le respect, la peur et la finalité de la mort.

Une généralisation au-delà des mesures exactes

Ironiquement, aujourd’hui, tous les corps ne sont pas forcément enterrés à six pieds sous terre. Les normes varient selon les pays, les sols, les pratiques religieuses et les contraintes logistiques. Mais l’expression reste utilisée, même lorsque la réalité ne correspond plus tout à fait. C’est ce qui arrive souvent avec les locutions figées : elles survivent à leur contexte initial pour devenir des repères culturels. Le chiffre « six » est resté, sans qu’on le remette en question.

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Pourquoi cette image perdure-t-elle ?

Probablement parce que l’idée d’une profondeur précise rassure. Elle donne une certaine forme de maîtrise sur la mort, en fixant une distance claire entre les vivants et les défunts. Cela permet aussi d’aborder un sujet tabou avec un peu de distance ou d’humour noir. Dire qu’une personne repose « six pieds sous terre » est plus symbolique que factuel, mais cela suffit à faire passer un message : elle est bel et bien partie.

D’autres expressions du même registre

« Manger les pissenlits par la racine », « passer l’arme à gauche », « aller au cimetière des éléphants »… Les expressions autour de la mort sont nombreuses et souvent détournées. Elles permettent d’évoquer l’inévitable sans le nommer frontalement. « Six pieds sous terre » fait partie de ces formulations qui allègent la gravité du sujet par une formule imagée et ancrée dans l’histoire.

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Une formule qui traverse les générations

En dépit de son origine très spécifique, l’expression continue d’être utilisée, y compris par des personnes qui n’ont jamais mesuré un pied ou qui ignorent l’histoire de la peste à Londres. C’est le signe qu’elle a acquis une valeur symbolique forte. À l’heure où les rites funéraires évoluent – entre crémations, urnes biodégradables et cimetières naturels – l’expression, elle, reste bien vivante dans notre vocabulaire quotidien.

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